En compagnie de Bonne Etoile et mon homme, au programme pour cette soirée des solos masculins.
Akira Kasai « Les Quompeitaux »
Kota Yamazaki « La folie des dauphins »
Hiroaki Umeda « Duo »
Les solos ont été tous les trois différents avec une émotion particulière pour chacun des danseurs. Depuis que je l'ai pratiqué, je suis très sensible aux émotions dégagées dans les chorégrapies de butô. C'était beau tout simplement.
En faisant des recherches sur google (notamment pour trouver des cours sur Paris car j'aimerais reprendre), je suis tombée sur cet article qui parle très bien de ce qu'est et représente le butô. bonne lecture!
Version adaptée d'un article publié à l'origine en hollandais dans DANS 12 (1994) numéro 6 (septembre), p. 22-23 © texte et traduction en anglais : Harmen Sikkenga. Traduction de l'anglais au français: Mario Veillette
Le caractère japonais pour butô est consititué de deux éléments:
Bu - danse
Tô - pas , marche
Ensemble: Danse qui frappe des pieds
Pour plusieurs, le butô est une sorte de théâtre étrange. Ce n'est pas tout le monde qui le considère comme étant une forme de danse. La naissance de cette danse extraordinaire nous amène au Japon de l'après-guerre; en fait, à la première performance de Kinjiki en 1959. C'était une chorégraphie courte et sans musique qui a provoqué un scandale; dans la chorégraphie, un jeune garçon (Yoshito Ohno) a une relation sexuelle avec un poulet pour ensuite l'étrangler entre ses cuisses. Dans l'obscurité qui suivait cet événement, un homme - Tatsumi Hijikata - s'approchait du garçon.
Depuis, le butô est qualifié de choquant, provocateur, physique, spirituel, érotique, grotesque, violent, cosmique, nihiliste, cathartique, mystérieux.
Le terme Ankoku butô - plus tard abrégé en butô - a été proposé par Hijikata. Il signifie la "Danse des Ténèbres". On peut décrire le butô comme un mélange d'éléments de théâtre japonais traditionnel, de "Ausdrucktanz" et de mime. Il a marqué une rupture avec les règles des danses établies et laisse beaucoup de place à l'improvisation. Les caractéristiques que l'on voit souvent sont les corps peints en blanc, les mouvements lents, les têtes rasées et les positions tordues. La danse évoque des images de décrépitude, de crainte et de désespoir, des images
d'érotisme, d'extase et d'immobilité.
Le butô a subi les influences de l'Ausdrucktanz. Dans les années vingt, beaucoup de danseurs japonais sontallés étudier la danse européenne en Allemagne. À leur retour au Japon, ils ont fondé des écoles de ballet danslesquelles les deux, Kazuo Ohno et Hijikata, a reçu leurs premières leçons. Ces deux pères fondateurs du butô se sont rencontré en 1954. Leur rencontre s'est avérée être le commencement d'une coopération qui a duré des années. Hijikata dirigeait et chorégraphiait beaucoup pour Ohno. Le studio d'Hijikata est devenu le centre du mouvement butô, un mouvement présentant autant de visages qu'il y a des danseurs. Il existeune différence énorme entre le butô esthétique de Sankai Juku et les matières brutes, joyeuses ou les formes extrêmes que l'on peut voir avec Byakko-Sha et Dancing Love Machine. Mais cette histoire ne nous dit pas pourquoi cette danse a tant d'impact. Quel est son rôle ? Quel est sa signification pour le théâtre et la danse ?
La naissance du théâtre peut être tracée jusqu'aux cérémonies dans lesquelles les rituels jouaient un rôle important. Les rituels sont les réceptacles de l'âme de la communauté. Nous y rencontrons ses valeurs et ses codes moraux. L'histoire de la danse nous montre le déclin de tels rituels. Avec la naissance des ballets narratifs est apparu la danse moderne, qui est devenue de plus en plus abstraite et concentrée sur le mouvement pur. Selon Grotowski, le butô est la recherche d'une forme très antique d'art où les créations rituelles et artistiques étaient intimement liées; où la poésie était chanson, la chanson était incantation, le mouvement était danse." (2)
Le butô connecte le conscient avec l'inconscient. Le mouvement n'est pas dirigé de l'extérieur, mais, apparaît dans l'interaction entre le monde extérieur et le monde intérieur.
Certaines personnes disent que l'essence du butô se trouve dans le mécanisme par lequel les danseurs cessent d'être eux-même et deviennent quelqu'un ou quelque chose d'autre. C'est une conception différente de la danse conventionnelle où le corps du danseur exprime une émotion ou une idée abstraite. Par exemple, prenez l'étude d'un coq. "L'idée était d'éliminer de l'homme toute son humanité intérieure et de laisser l'oiseau prendre la place. Vous pouvez commencer en imitant, mais l'imitation n'est pas votre but final; quand vous croyez que vous pensez complètement comme un poulet; alors, vous avez réussi." (3) La chose importante avec cette danse, ce n'est pas la transformation en poulet, mais la transformation elle-même, le fait que vous changiez. C'est seulement de cette manière que vous pouvez rendre au corps son état original - disait Hijikata. Ce n'est pas la description ou le symbolisme qui est la base du butô. C'est la métamorphose.
Selon Min Tanaka - qui a mis en scène en 1994 Pouvons-nous Danser un Paysage ? dans le cadre de Het Muziektheater à Amsterdam - le butô que l'on retrouve dans cette performance n'est pas la peinture blanche, les corps nus ou les bouches ouvertes, mais le fait de poser des questions sur l'origine et la signification de la danse. "Il ne s'agit pas de la question à savoir si vous pouvez danser un paysage ou en utiliser un dans la danse. Le plus important, c'est la question : Qu'est-ce que la danse ? Vous devez vous libérer de la définition conventionnelle de la danse pour l'étendre tout près de la définition de la vie même. Pouvons-nous Danser un Paysage ? est en fait une recherche sur les origines de la danse." (4) C'est cette recherche qui donne sa force au butô. Peut-être cela nous permet-il de rendre à nos corps leur état original et de nous réconcilier avec nous-même et avec le monde qui nous entoure.
Notes
1. Bonnie Sue Stein dans "Butoh; twenty years ago we were crazy, dirty and mad" The drama review 30 (1986) 2, 107-125.
2. Osinski, Zbigniew. "Grotowski blazes the trails: from objective drama to ritual arts" The drama review 35 (1991) 1 spring, 95-112
3. Ojima Ichiro cité dans : Klein, Susan Blakely Ankoku buto : the premodern and postmodern influences on the dance of utter darkness. Ithaca (New York). : Cornell University, 1988, 97p. (Cornell East Asia Papers.)
4. Min Tanaka cité dans : Min Tanaka + Appel . Notes de programme de la performance: Pouvons-nous Danser un Paysage ? Amsterdam : Het Muziektheater, 1994